L’ intelligence artificielle pour mieux prendre en charge les bébés prématurés
Les bébés prématurés, nés avant 37 semaines de grossesse, possèdent un système immunitaire fragile et risquent de contracter infections et maladies. Un projet lancé à Rennes depuis 2016, mobilise une intelligence artificielle pour une meilleure prise en charge préventive de ces prématurés grâce à un diagnostic précoce de l'infection.

L’ intelligence artificielle pour mieux prendre en charge les bébés prématurés

Un projet européen

Chaque année, ce sont plus de 300 000 bébés qui naissent prématurément en France et poursuivent leur maturation en couveuse. Leur système immunitaire étant très fragile, ils sont sujets à un risque d’infection important, voire de choc septique, qui peut s'avérer mortel. Le projet de recherche Digi-NewB a pour but d'identifier une méthode de suivi et d'aide à la décision permettant aux équipes médicales de détecter l'infection le plus tôt possible, grâce à l'intelligence artificielle. Porté par le GCS HUGO (Centres Hospitaliers Universitaires du Grand Ouest), le CHU de Rennes et l’Université de Rennes 1, Digi-NewB a été lancé en 2016 grâce à un financement européen de 4,4 M d’euros, obtenu dans le cadre du programme Horizon 2020 de l’Union Européenne. Il s'appuie sur une étude clinique portant sur 700 nouveaux nés. Les partenaires sont les 6 hôpitaux du grand ouest (Rennes, Angers, Brest, Nantes, Tours et Poitiers) réunis au sein du GCS HUGO, 4 centres de recherche, dont 1 en France, en Finlande, au Portugal, au Royaume-Uni et 2 PME dont une irlandaise.

Monitoring et diagnostic anticipé

"Le clinicien a un double problème. D'un côté, les signes cliniques sont peu spécifiques, et ils sont tardifs", explique Patrick Pladys, professeur de pédiatrie et chef de service au CHU de Rennes, coordinateur du projet Digi-NewB. "Et d'un autre côté, les bébés, s'ils sont infectés, ont un fort risque de décéder et d'avoir des séquelles dans l'avenir. De ce fait-là, on a tendance à donner beaucoup d'antibiotiques. Donner beaucoup d'antibiotiques n'est pas bon pour le nouveau né, ni pour l'écologie du service non plus".

Dans la pratique courante, les équipes soignantes des services de néonatologie observent et écoutent les bébés et en tirent des informations sur leur état de santé (sommeil, variabilité du rythme cardiaque ou de la respiration, par exemple). « L’indice calculé à partir de variabilité cardiaque d’un bébé sain et celle d’un bébé infecté sont très différents » , comme l’explique le Pr Guy Carrault, du Laboratoire Traitement du Signal et des Images - INSERM U1099 de l'Université de Rennes 1. Cet indice est visible en permanence par le personnel soignant et au dessus d’une certaine valeur, une alerte s’affiche.

L'idée de Digi-NewB est de recueillir ces signaux physiologiques de manière systématique et non invasive, grâce à un suivi des bébés par des caméras, des capteurs sonores et des outils de monitoring de leurs signes vitaux (cardiaques, respiratoires). L'objectif est de déterminer, grâce à l'analyse des données, des paramètres significatifs pour être en mesure de fournir aux équipes médicales une aide au diagnostic. L'enjeu principal est de gagner du temps pour démarrer les traitements le plus tôt possible, sachant que chaque demi-heure compte, et de réduire les gestes médicaux inutiles et invasifs sur les prématurés, telle la prise de sang.

Le projet passe donc par la constitution d'une base de données d'images et de sons, de signaux physiologiques et d'observations cliniques. Des algorithmes d'intelligence artificielle permettent d'effectuer une analyse composite de ces données, au cœur du système de surveillance médicale et d'aide à la décision en temps réel. Un indice ou score de risque d’infection est calculé par le système. Les cliniciens peuvent visualiser l'évolution dans le temps de cet indice, ainsi que l’évolution de certains paramètres et accéder aux enregistrements vidéo pour une période donnée. L'ergonomie du système a fait l'objet d'études réalisées avec le personnel soignant dans plusieurs hôpitaux. “Le clinicien va disposer d'une alarme peut-être 12, 24 voire 48 heures avant l'alarme qu'il avait d'habitude. Il aura du temps et pourra décider de prolonger son évaluation, ou de débuter les antibiotiques s'il juge les éléments fournis par l'indice suffisamment probants”, précise Patrick Pladys.

Toujours en cours, ce projet ouvre la perspective de pouvoir détecter précocement les infections chez les prématurés, et d'améliorer ainsi leur prise en charge par les services de néonatalogie, pour réduire la morbidité et la mortalité liées au risque infectieux.

 

Frida Hussain